Dre Christina Thornton : élucider les mystères de Candida
30 décembre 2025Partagez ceci :

« On nous a appris à ignorer Candida. Ce n’est peut-être pas la bonne approche. »
Les recherches de Dre Christina Thornton sur Candida – une levure naturelle souvent écartée par les médecins comme étant inoffensive – l’ont amenée à remettre en question des décennies d’acquis dans les soins de la fibrose kystique (FK). À titre de clinicienne-chercheuse à la University of Calgary, elle dirige une étude financée par Fibrose kystique Canada, qui explore comment ce champignon commun pourrait causer des problèmes chez les personnes fibro-kystiques.
Une apparence trompeuse
Candida albicans est partout – sur la peau, dans l’environnement et, comme l’a confirmé l’équipe de Dre Thornton, souvent dans les poumons des personnes atteintes de FK. Jusqu’à présent, on le considérait comme un agent passif et non comme un fauteur de troubles.
« Les cliniciens ne le traitent pas. On nous apprend qu’il est présent, mais ne cause pas de problèmes. Nous observons toutefois que cela n’est peut-être pas le cas », explique Dre Thornton.
Les données préliminaires de la biobanque d’expectorations FK de Calgary montrent que Candida ne se manifeste pas toujours sous sa forme de champignon anodin. Chez de nombreux patients qui présentent des exacerbations pulmonaires, Candida transite d’une forme de levure à une forme d’hyphe plus nuisible, liée à des dommages tissulaires.
« Nous avons constaté que presque toutes les exacerbations que nous avons analysées présentaient cette forme hyphale de Candida; c’est la forme nocive. Toutefois, les analyses de laboratoire ne le précisent pas. Elles indiquent simplement que Candida est présent, et que nous pouvons l’ignorer. »
Trouver les réponses
Pendant des décennies, nous avons tenu pour acquis que les bactéries – Pseudomonas, Staphylococcus et autres – étaient responsables des exacerbations pulmonaires en présence de FK. Toutefois, les déclencheurs environnementaux, l’inflammation et les champignons commencent à attirer l’attention à titre de facteurs importants.
« Des données cliniques provenant d’analyses de dossiers publiées précédemment montrent que Candida est associé à une détérioration de la fonction pulmonaire, explique-t-elle. Mais Candida est-il une cause ou simplement une conséquence de l’utilisation d’antibiotiques? Nous ne le savons pas encore, et c’est ce que notre projet cherche à découvrir. »
Avec l’accroissement de l’utilisation des traitements modulateurs comme Trikafta, le portrait microbien des poumons fibro-kystiques change. Cette étude ne pourrait pas arriver à un moment plus important.
L’équipe de Dre Thornton aborde le problème sous plusieurs angles. Elle a recours à des techniques moléculaires, des évaluations basées sur des cultures et des modèles de pointe, tels que « poumons sur puce », un système qui imite la réponse immunitaire du poumon humain. Ce système reproduit les principaux éléments d’un vrai poumon, notamment les voies respiratoires, les vaisseaux sanguins et les cellules immunitaires, ce qui permet à l’équipe d’évaluer en toute sécurité les interactions de Candida avec les tissus pulmonaires, en laboratoire.
« Nous examinons la manière dont Candida interagit avec les autres microbes. Supprime-t-il les bonnes bactéries? Favorise-t-il la prolifération des pathogènes? Ce sont là de grandes questions dont la réponse aura des conséquences cliniques. »
L’étude de Dre Thornton pourrait transformer la compréhension et la prise en charge des infections fongiques en présence de FK. Elle pourrait ouvrir la porte à des traitements antifongiques comme solution de rechange à des doses répétées d’antibiotiques chez certains patients. Réaliser cette vision commence par une prise de conscience accrue et par des outils diagnostiques plus précis qui vont plus loin que le simple signalement de la présence de Candida.
Les débuts
Dre Thornton a entrepris son parcours de recherche dans le domaine de la FK alors qu’elle était étudiante de premier cycle en microbiologie à la University of Calgary. Elle a commencé dans le laboratoire du Dr Michael Surette, sans connaissances sur la FK, à part les efforts de sensibilisation de Céline Dion. Ses premières expériences l’ont profondément marquée.
« Je me souviens d’un patient hospitalisé très malade, de qui j’obtenais un échantillon d’expectoration pour le projet de recherche sur les intraveineuses, et qui me remerciait d’étudier sa maladie. Ce moment est resté gravé dans ma mémoire. »
Dre Thornton est maintenant médecin spécialisée en FK et récipiendaire pour 2024 de la bourse Marsha Morton de chercheur en début de carrière – décernée au projet d’un chercheur en début de carrière le mieux coté par le groupe d’examen scientifique – et ses patients continuent de l’inspirer. Ils lui demandent souvent sur quoi elle travaille. Lorsqu’elle leur explique ses recherches sur Candida, ils sont à la fois curieux et reconnaissants.
Des changements plus vastes
Au-delà de la FK, Dre Thornton prévoit que les leçons tirées de ses recherches pourraient éclairer d’autres maladies, par exemple la bronchiectasie non liée à la FK. Elle est d’ailleurs cofondatrice d’un registre national pour cette maladie moins connue, qui s’inspire de la réussite du Registre canadien sur la FK.
« La FK mène la recherche centrée sur les patients. Nous avons appris tant de leçons qui peuvent maintenant être appliquées à d’autres maladies n’ayant pas reçu le même type d’attention. »
Comme membre du Réseau national sur l’inflammation (Inflammation Research Network), elle rencontre chaque semaine un groupe varié de chercheurs et de cliniciens. C’est de là que vient sa passion pour la collaboration avec des collègues à l’extérieur du monde de la FK, comme des cliniciens-chercheurs en soins intensifs et des immunologues, et de là que sont nées ses études actuelles sur la FK.
« La science avec des amis, c’est mieux. »
L’étude de Dre Thornton est toujours en cours, mais elle a déjà reconfiguré la manière dont la communauté fibro-kystique comprend les éléments fongiques des voies respiratoires. Avec le soutien de Fibrose kystique Canada, Dre Thornton amène de nouvelles perspectives, et peut-être de nouveaux traitements, au premier plan des soins de la fibrose kystique.
« Chaque exacerbation est un indice, explique-t-elle. Et je crois que nous nous rapprochons de la résolution du mystère. »
