Dre Sarah Wootton : recourir à la thérapie génique pour contrer les infections
13 janvier 2026Partagez ceci :

Imaginez un avenir où les personnes atteintes de fibrose kystique (FK) ne deviennent jamais colonisées par Pseudomonas aeruginosa, une cause majeure d’infections pulmonaires chroniques et d’aggravation de la fonction pulmonaire. Grâce aux recherches de Dre Sarah Wootton, cet avenir pourrait être plus proche que jamais.
Avec le soutien financier de Fibrose kystique Canada, Dre Wootton, professeure adjointe au Département de pathobiologie de la University of Guelph, a réalisé de grands progrès dans le domaine de la thérapie génique pour freiner, avant même son apparition, l’un des problèmes les plus persistants de la FK : l’infection pulmonaire.
« Si la colonisation par des infections bactériennes est évitée, la moitié de la bataille est gagnée. »
La percée de 2023
Le laboratoire de Dre Wootton travaille depuis longtemps sur le virus associé à l’adénovirus (VAA), un virus inoffensif utilisé comme véhicule de transport du matériel génétique jusqu’aux cellules. Dans le cadre de ses projets récents, l’équipe a eu recours à cette technologie pour produire des anticorps à partir de tissus musculaires, comme moyen de défense contre des virus tels que Ebola et des bactéries telles que Clostridioides difficile. La subvention de démarrage de 2023 – un financement d’une durée d’un an offert par Fibrose kystique Canada pour aider des chercheurs à évaluer de nouvelles idées et à produire des données préliminaires – lui a permis d’aller encore plus loin. Elle a cette fois créé un anticorps complexe et puissant appelé IgA sécrétrice (IgAs), qu’elle a exprimé directement dans le poumon.
L’IgA sécrétrice joue un rôle de protection des surfaces muqueuses, comme celles des voies respiratoires. C’est un système naturel de défense du corps qui entoure et neutralise les pathogènes avant qu’ils ne puissent se fixer. Créer l’IgA sécrétrice à l’extérieur du corps est toutefois extrêmement difficile en raison de sa structure complexe. C’est pourquoi la solution de Dre Wootton, qui consiste à amener le poumon à produire lui-même ces anticorps, est si intéressante.
« À ma connaissance, personne ne fabrique l’IgA sécrétrice commercialement en raison de sa complexité, explique-t-elle. Si nous parvenons à produire l’IgAs au sein de l’hôte, nous pourrions l’utiliser pour une vaste gamme d’applications thérapeutiques et prophylactiques. »
Grâce à la subvention de démarrage de 2023, son équipe a réussi à convertir l’un des anticorps anti-Pseudomonas les plus prometteurs sous forme d’IgA et à mettre au point une plateforme de VAA novatrice pour amener les gènes nécessaires jusqu’aux poumons de souris. Ce processus complexe permet de transporter ces anticorps jusqu’au mucus pulmonaire, reproduisant ainsi la sécrétion normale d’IgA.
Les réussites préliminaires des études animales prouvent le potentiel de prévention des infections qu’offre l’anticorps. Le prochain défi? S’assurer que le système immunitaire ne réagit pas et aider les anticorps à persister dans le corps plus longtemps.
Les étapes suivantes
Grâce à la subvention de recherche fondamentale et clinique qu’elle a reçue de Fibrose kystique Canada en 2024, Dre Wootton pousse maintenant ses recherches encore plus loin. Elle passe d’une validation de principe à des stratégies qui pourraient fonctionner non seulement avant l’infection, mais également une fois la colonisation établie.
« Tout ce que nous avons fait jusqu’à présent visait l’étape qui précède l’exposition à Pseudomonas, explique-t-elle. Nous voulons maintenant voir si des usages thérapeutiques après la colonisation sont également possibles. »
Cela comprend d’une part l’administration de la thérapie par voie intranasale ou par inhalation, comme c’est le cas pour la plupart des traitements, la réalisation de tests dans des environnements polymicrobiens, puisque Pseudomonas en présence de FK se cache souvent dans des biofilms visqueux résistants aux antibiotiques, et l’exploration du mode d’action réel de ces anticorps.
« Nous voulons comprendre la fonction effectrice, c’est-à-dire comment ces anticorps peuvent faire appel à l’aide d’autres composantes du système immunitaire. »
Comprendre le portrait d’ensemble
Cette étude est une étape très motivante de la lutte contre Pseudomonas aeruginosa. Au lieu de dépendre des antibiotiques, dont l’efficacité diminue souvent avec le temps, cette thérapie apprend au corps comment combattre directement la bactérie. Pour les personnes atteintes de FK qui ont des infections chroniques à Pseudomonas, le traitement pourrait offrir un nouveau moyen de gérer ou même d’éliminer les infections persistantes.
Bien que Pseudomonas aeruginosa soit la principale cible actuelle, la plateforme de Dre Wootton pourrait être adaptée pour cibler d’autres agents pathogènes qui affectent les personnes atteintes de FK, par exemple Staphylococcus aureus ou Burkholderia. Son laboratoire a déjà créé des anticorps qui visent différentes cibles simultanément.
« Nous avons créé des anticorps biospécifiques pour deux cibles Pseudomonas. Nous pourrions les combiner à d’autres pour obtenir une approche pathogène double. »
La plateforme pourrait contribuer à réduire les préoccupations actuelles concernant l’antibiorésistance en offrant une méthode non antibiotique de lutte contre les infections.
Une inspiration de la communauté fibro-kystique
Au début, Dre Wootton se sentait en marge de la recherche sur la FK en raison de son vaste bagage de connaissances des thérapies géniques. Mais après avoir observé l’impact réel des thérapies de la FK et avoir entendu le témoignage de donateurs comme John et Marlene Mason, ses liens avec la communauté se sont approfondis.
« Faire partie de cette communauté est un honneur pour moi. Les gens que j’ai rencontrés et les témoignages que j’ai entendus m’ont profondément marquée. Ils me rappellent quotidiennement pourquoi ce travail importe. »
Dre Wootton a également été motivée par l’élan actuel que connaissent les thérapies géniques pulmonaires dans les entreprises qui investissent dans des plateformes d’administration dans les poumons.
« On commence finalement à voir les poumons comme un organe cible de la thérapie génique, explique-t-elle. Cela rend possible la concrétisation de ce genre de travaux. »
Si elle se qualifie humblement de chercheuse en thérapie génique, son dévouement au domaine de la FK est évident.
L’objectif à long terme de Dre Wootton est clair : offrir aux personnes atteintes de fibrose kystique un moyen d’éviter ou d’éradiquer les infections à Pseudomonas.
Selon elle, beaucoup d’optimisation reste à faire, mais ces travaux pourraient changer la manière dont nous protégeons les personnes fibro-kystiques contre les infections.
Dans un monde où les infections à Pseudomonas ne sont plus une menace constante, la vie quotidienne avec la FK pourrait être très différente. Les recherches de Dre Wootton rendent cette possibilité plus réelle.
