Dre Veronica Campanucci : élucider le lien entre les signaux nerveux et les symptômes intestinaux
19 novembre 2025Partagez ceci :

La première chose qui vient à l’esprit de la plupart des gens lorsqu’il est question de fibrose kystique (FK) est l’impact de la maladie sur les poumons. Toutefois, pour Dre Veronica Campanucci, professeure adjointe au collège de médecine de la University of Saskatchewan, l’intestin cache de nombreuses questions sans réponse et un nombre surprenant d’indices. Avec le soutien de Fibrose kystique Canada et de la Saskatchewan Health Research Foundation, Dre Campanucci explore comment les nerfs intestinaux contribuent aux symptômes digestifs qui affectent tant de personnes fibro-kystiques.
Du diabète à la digestion
Au début de sa carrière de chercheuse, Dre Campanucci s’est penchée sur le diabète, jusqu’à ce que son laboratoire soit invité à collaborer à un projet de recherche sur la FK utilisant une ressource rare et unique, des tissus FK de cochons. Ce travail d’exploration du système nerveux porcin a fait naître chez elle un intérêt profond pour la recherche dans le domaine de la fibrose kystique.
« Nous avons commencé à observer des problèmes nerveux étranges dans le modèle FK porcin, se rappelle-t-elle. Les nerfs périphériques, qui contribuent au travail de l’intestin, ne fonctionnaient pas correctement. C’est là que j’ai compris que nous étions sur une piste. »
Ces dommages nerveux, qui portent le nom de neuropathie périphérique, pouvaient contribuer à expliquer une vaste gamme de symptômes intestinaux que connaissent les personnes fibro-kystiques, notamment la constipation, le gonflement et la douleur.
La dysmotilité intestinale est l’un des troubles étudiés par Dre Campanucci. Il s’agit des problèmes de contraction de l’intestin alors que son contenu passe à travers le système digestif.
« Cela ressemble à un embouteillage. Pour que l’intestin fonctionne, ses muscles doivent se contracter en vagues. Ces vagues sont déclenchées par des nerfs. Si les nerfs ne transmettent pas les bons signaux, rien ne bouge correctement. »
L’axe intestin-cerveau, soit la connexion profonde entre le système nerveux propre à l’intestin et le reste des nerfs du corps, complique encore plus le problème. En présence de FK, cette communication peut être perturbée.
Construire un système « d’intestin sur puce » pour la FK
Pour mieux comprendre ce qui se passe, Dre Campanucci et son équipe ont construit un outil remarquable : une version de laboratoire miniature de l’intestin qu’ils appellent « intestin sur puce ». L’intestin est formé de diverses composantes, dont des couches de muscle, des cellules nerveuses intestinales, des cellules nerveuses sensorielles et la paroi épithéliale. Ces composantes peuvent maintenant être étudiées individuellement ou en conjonction les unes aux autres, car le système permet à l’équipe de séparer et d’analyser chaque partie de l’intestin pour voir comment elle réagit, en particulier à des traitements tels que Trikafta.
« C’est un intestin simplifié, mais qui comprend toutes les pièces essentielles. Nous pouvons maintenant le stimuler, mesurer ses réponses et entrevoir à quelle étape précise les choses commencent à déraper, explique-t-elle. C’est une chose que nous ne pouvions pas faire auparavant. »
L’équipe de Dre Campanucci évalue maintenant le recours à d’autres modèles animaux et à des cellules souches de personnes atteintes de fibrose kystique. Elle pourra ainsi créer des versions spécifiques du système intestinal, lui donnant un outil puissant pour comprendre pourquoi les traitements comme Trikafta atténuent les symptômes digestifs de certaines personnes, mais n’offrent pas de soulagement à d’autres.
« Notre objectif est d’identifier ce qui ne fonctionne pas et de comprendre pourquoi. Lorsque nous aurons ces connaissances, nous pourrons commencer à concevoir de meilleurs traitements, de la même manière que Trikafta a été mis au point pour cibler les poumons. »
Sans menacer la vie, les troubles gastro-intestinaux ont un impact énorme sur la qualité de vie qui est souvent négligé.
« Il est difficile de vivre sa vie sans un système intestinal sain. Si nous pouvons comprendre ce qui fait défaut, nous pourrons améliorer la qualité de vie », déclare-t-elle.
Contributions locales
Dre Campanucci et son équipe ont bénéficié d’un accès unique aux tissus FK porcins grâce à de solides collaborations locales et à des ressources spécialisées à la University of Saskatchewan, qui permettent à l’établissement de gérer efficacement les complexités associées à la recherche sur ce type de modèle animal. En effet, les collaborateurs de la University of Saskatchewan demeurent les seuls au Canada à avoir effectué des études à base de modèles FK porcins, dont les résultats ont été publiés dans des revues scientifiques de renom.
« Mettre au point ce système a été un pari. Mais il fonctionne et nous avons vraiment l’impression d’apporter quelque chose de nouveau à la recherche. »
Une impression « viscérale »
Les complications intestinales en présence de FK sont courantes, mais elles n’ont pas toujours été la priorité de la recherche. Au cours des décennies antérieures, l’accent a été mis sur la fonction pulmonaire. Les personnes atteintes de FK vivant maintenant plus longtemps, la santé intestinale est devenue une grande préoccupation en ce qui concerne la qualité de vie.
Les recherches de Dre Campanucci sont en train de modifier la manière dont la communauté FK considère la santé intestinale, c’est-à-dire non plus comme un trouble accessoire, mais comme une partie intégrante de la vie avec la FK. En élucidant le rôle du système nerveux, ses études ouvrent la porte à des traitements ciblant les troubles du système digestif, qui touchent un grand nombre de personnes fibro-kystiques.
